L'assistance du mineur (enfant de moins de 18 ans ) par un avocat pendant la phase d'enquête
-Jusqu’en 2017, un mineur pouvait être auditionné dans le cadre de la garde à vue sans l’assistance d’un avocat. Fort heureusement, la loi du 18 novembre 2016 dite de modernisation de la justice du XXIe siècle est venue modifier cette situation en rendant obligatoire l’assistance de l’avocat pour les mineurs placés en garde à vue, obligation figurant désormais à l’article 4 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.
Cette assistance constitue une véritable protection pour le mineur qui se trouve indiscutablement en position de faiblesse durant la phase d’enquête ; protection d’autant plus nécessaire en présence de mineurs isolés étrangers dont la situation est bien souvent précaire et qui représentent dans la région lyonnaise une part importante des mineurs gardés à vue.
Il reste toutefois encore beaucoup à faire en la matière. C’est ainsi qu’au jour de la rédaction du présent article, l’assistance par un avocat des mineurs auditionnés librement n’est toujours pas obligatoire.
En effet, les règles applicables aux mineurs sont celles prévues pour les majeurs à l’article 61-1 du Code de procédure pénale qui dispose que :
« La personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ne peut être entendue librement sur ces faits qu'après avoir été informée :
(…)
5° Si l'infraction pour laquelle elle est entendue est un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement, du droit d'être assistée au cours de son audition ou de sa confrontation, selon les modalités prévues aux articles 63-4-3 et 63-4-4, par un avocat choisi par elle ou, à sa demande, désigné d'office par le bâtonnier de l'ordre des avocats ; elle est informée que les frais seront à sa charge sauf si elle remplit les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle, qui lui sont rappelées par tout moyen ; elle peut accepter expressément de poursuivre l'audition hors la présence de son avocat ».
Cette situation ne pouvant perdurer plus longtemps, le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 décembre 2018 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité.
Par décision du 8 février 2019, les Sages de la rue Montpensier ont déclaré contraire à la Constitution ledit article au motif que :
« Selon les dispositions contestées, la personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction peut, au cours de l'enquête pénale, être entendue librement sur les faits. L'audition ne peut avoir lieu que si la personne y consent et si elle n'a pas été conduite, sous contrainte, devant l'officier de police judiciaire. En outre, la personne ne peut être entendue qu'après avoir été informée de la qualification, de la date et du lieu présumés de l'infraction, du droit de quitter à tout moment les locaux où elle est entendue, du droit d'être assistée par un interprète, du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions ou de se taire, de la possibilité de bénéficier de conseils juridiques dans une structure d'accès au droit et, si l'infraction pour laquelle elle est entendue est un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement, du droit d'être assistée au cours de son audition par un avocat. Elle peut accepter expressément de poursuivre l'audition hors la présence de son avocat.
Toutefois, l'audition libre se déroule selon ces mêmes modalités lorsque la personne entendue est mineure et ce, quel que soit son âge. Or, les garanties précitées ne suffisent pas à assurer que le mineur consente de façon éclairée à l'audition libre ni à éviter qu'il opère des choix contraires à ses intérêts. Dès lors, en ne prévoyant pas de procédures appropriées de nature à garantir l'effectivité de l'exercice de ses droits par le mineur dans le cadre d'une enquête pénale, le législateur a contrevenu au principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs ».
La déclaration d’inconstitutionnalité ne prendra cependant effets que le 1er janvier 2020 afin de laisser le temps au législateur de modifier l’article.
Si cette décision constitue une nouvelle avancée pour les droits de la défense, le combat doit continuer notamment s’agissant de la confrontation entre la personne gardée à vue et la « victime » durant laquelle l’assistance par un avocat de la « victime » mineure n’est pour l’heure pas obligatoire. Celle-ci peut ainsi se retrouver seule face à un gardé à vue assisté. Situation d’autant plus critiquable que lorsque celui-ci est mineur, l’avocat est obligatoire.
Me Sandra MARQUES
Avocat